En fin de compte, je crains que mon arrogance ne nous détruise tous.

 

9

 

Vin exerça une Poussée contre la pièce et s’élança parmi la brume. Elle s’éleva loin au-dessus de la pierre et de la terre, parmi les sombres courants célestes, tandis que le vent faisait claquer sa cape.

C’est ça, la liberté, se dit-elle en inspirant profondément l’air humide et frais. Elle ferma les yeux pour éprouver la caresse du vent. C’est ça qui m’a toujours manqué sans que je le sache.

Elle ouvrit les yeux tandis qu’elle entamait sa descente. Au tout dernier moment, elle jeta une pièce. Celle-ci heurta les pavés et Vin poussa légèrement contre elle pour ralentir sa descente. Elle brûla très vite du potin et heurta le sol en courant, fonçant le long des rues silencieuses de Fellise. L’air de cette fin d’automne était frais, mais les hivers étaient généralement doux dans le Dominât Central. Certaines années passaient sans qu’il tombe le moindre flocon de neige.

Elle jeta une pièce derrière elle, puis s’en servit pour se propulser légèrement vers le haut et sur le côté. Elle atterrit sur un muret de pierre, ralentissant à peine l’allure tandis qu’elle courait avec entrain au sommet du mur. Le potin renforçait bien plus que les muscles – il augmentait toutes les capacités physiques du corps. En le brûlant faiblement de manière continue, elle gagnait un équilibre que lui aurait envié n’importe quel cambrioleur nocturne.

Vin s’arrêta au coin du mur, là où il s’orientait vers le nord. Elle s’accroupit, agrippant la pierre froide de ses pieds nus et de ses doigts sensibles. Avec son cuivre activé pour masquer l’usage de l’allomancie, elle attisa son étain pour affiner ses sens.

Le silence. Les trembles dessinaient des rangs chimériques dans la brume, comme des skaa émaciés travaillant à la chaîne. Les propriétés se déployaient au loin – fortifiées, impeccables et bien gardées. Il y avait beaucoup moins de points lumineux dans cette ville qu’à Luthadel. Beaucoup de ces maisons n’étaient que des résidences à temps partiel, dont les maîtres s’étaient absentés pour un autre secteur de l’Empire Ultime.

Des lignes bleues apparurent soudain devant elle – une extrémité de chacune désignait sa poitrine tandis que l’autre disparaissait dans les brumes. Vin bondit aussitôt sur le côté, esquivant une poignée de pièces qui fila à toute allure dans l’air nocturne, laissant des traces dans la brume. Elle attisa son potin et atterrit près du mur dans la rue pavée. Ses oreilles renforcées par l’étain perçurent un grattement ; puis une forme sombre s’élança dans le ciel, tandis que plusieurs lignes bleues désignaient sa bourse.

Vin laissa tomber une pièce et se projeta dans les airs à la suite de son adversaire. Ils s’élevèrent un moment, survolant la propriété d’un noble qui ne se doutait de rien. L’adversaire de Vin changea soudain de cap dans les airs pour se diriger vers le manoir lui-même. Vin le suivit, abandonnant la pièce pour brûler plutôt du fer et exercer une Traction sur le fermoir des volets d’un manoir en dessous d’elle.

Son opposant frappa le premier, et elle entendit un bruit sourd lorsqu’il percuta le côté du bâtiment. Il disparut la seconde d’après.

Une lumière s’alluma et un visage perplexe apparut à une fenêtre tandis que Vin tournoyait dans les airs pour atterrir les pieds en avant contre le manoir. D’un coup de pied, elle s’écarta aussitôt de la surface verticale pour s’incliner légèrement et exercer une Poussée contre le même fermoir de volets. Il y eut un bruit de verre cassé et elle fila dans la nuit avant que la gravité puisse la rappeler.

Vin vola à travers les brumes, plissant les yeux pour ne pas perdre la piste de sa proie. Il lui jeta plusieurs pièces qu’elle repoussa dédaigneusement par la pensée. Une ligne bleue et floue tomba vers le bas – une pièce en train de chuter – et son adversaire décrivit un nouveau mouvement latéral.

Vin lâcha sa pièce à son tour et y exerça une Poussée. Mais sa pièce se retrouva soudain attirée en arrière le long du sol – résultat d’une Poussée de son adversaire. Ce mouvement brusque modifia la trajectoire de Vin et la projeta sur le côté. Elle jura, jeta une autre pièce dont elle se servit pour se remettre sur la bonne trajectoire. Le temps qu’elle y parvienne, elle avait perdu sa proie.

D’accord…, se dit-elle en heurtant le sol mou de l’autre côté du mur. Elle versa quelques pièces dans sa main, puis jeta la bourse presque pleine dans les airs, la poussa fermement dans la direction où elle avait vu s’évanouir sa proie. La bourse disparut dans les brumes, suivie par une faible ligne bleue allomantique.

Une poignée de pièces éparpillées jaillit soudain des buissons devant elle, filant vers sa bourse. Vin sourit. Son adversaire avait pris la bourse pour Vin elle-même. Il était trop éloigné pour voir les pièces au creux de sa main, tout comme il l’avait été pour qu’elle voie les pièces que lui transportait.

Une silhouette sombre surgit des buissons pour bondir au sommet du mur de pierre. Vin attendit en silence tandis que la silhouette courait le long du mur et se faufilait de l’autre côté.

Elle se propulsa droit dans les airs, puis jeta sa poignée de pièces à son adversaire qui passait en dessous d’elle. Il les repoussa aussitôt, envoyant les pièces filer au loin – mais elles ne réussirent qu’à peine à la distraire. Vin atterrit sur le sol devant lui, arrachant de ses fourreaux ses poignards de verre jumeaux. Elle voulut porter un coup de taille, mais son adversaire fit un bond en arrière.

Quelque chose ne tourne pas rond. Vin se baissa et se jeta sur le côté tandis qu’une poignée de pièces scintillantes – les siennes, celles que son adversaire avait repoussées – jaillissaient depuis le ciel vers la main de son opposant. Il se retourna pour les lancer dans sa direction.

Vin lâcha ses poignards avec un petit cri muet, levant brusquement les mains pour exercer une Poussée sur les pièces. Elle se retrouva aussitôt projetée en arrière lorsque son adversaire exerça une Poussée similaire.

L’une des pièces fut agitée d’une secousse en plein air et resta suspendue pile entre eux deux. Les autres pièces disparurent parmi les brumes, repoussées sur les côtés par des forces contraires.

Vin attisa son acier tout en volant et entendit son adversaire pousser un grognement tandis qu’il se voyait lui aussi repoussé en arrière. Il heurta le mur. Vin se retrouva projetée contre un arbre, mais elle attisa son potin et ignora la douleur. Elle se servit du bois pour se soutenir et continua sa Poussée.

La pièce vibra dans les airs, prise au piège entre la force amplifiée des deux allomanciens. La pression s’accrut. Vin serra les dents et sentit le petit arbre ployer derrière elle.

Son adversaire exerçait une Poussée implacable.

Je ne vais pas… me… laisser… battre ! se dit-elle, attisant à la fois le fer et le potin, poussant un léger grognement tandis qu’elle concentrait toute sa force sur la pièce.

Il y eut un silence. Puis Vin fut projetée en arrière et l’arbre céda avec un craquement sonore dans l’air nocturne.

Elle heurta le sol en culbutant dans un nuage d’éclats de bois. Même l’étain et le potin ne lui suffirent pas pour garder les idées claires tandis qu’elle roulait sur les pavés pour s’arrêter enfin, prise de vertige. Une sombre silhouette approcha, les rubans de sa cape de brume flottant autour d’elle. Vin se redressa brusquement et voulut s’emparer de ses poignards qu’elle ne se rappelait pas avoir laissés tomber.

Kelsier baissa son capuchon et lui rendit ses couteaux. L’un d’eux était brisé.

— Je sais que c’est un réflexe, Vin, mais tu n’es pas obligée de tendre les mains quand tu exerces une Poussée – ni de laisser tomber ce que tu tiens.

Vin se frotta l’épaule en grimaçant et accepta les poignards avec un hochement de tête.

— Bien joué, avec ta bourse, dit Kelsier. Tu m’as eu pendant un instant.

— Pour ce que ça m’a servi, marmonna-t-elle.

— Tu ne fais ça que depuis quelques mois, Vin, dit-il sur un ton léger. Tout bien réfléchi, tu as accompli des progrès extraordinaires. Mais je te déconseillerais ce genre de duels avec des gens qui pèsent plus que toi. (Il s’arrêta, toisant la petite silhouette et la mince carrure de Vin.) Cest-à-dire à peu près tout le monde.

Vin soupira, s’étirant légèrement. Elle allait encore avoir des ecchymoses. Au moins, elles ne seront pas visibles. À présent que celles qu’elle devait à Camon avaient disparu de son visage, Sazed lui avait conseillé la prudence. Le maquillage ne pouvait les masquer qu’en partie et il faudrait qu’elle ressemble à une « vraie » jeune fille de la noblesse si elle voulait infiltrer la cour.

— Tiens, dit Kelsier en lui tendant quelque chose. Un souvenir.

Vin éleva l’objet – la pièce qu’ils avaient poussée tous deux en même temps. La pression l’avait pliée et aplatie.

— Je te retrouve au manoir, conclut Kelsier.

Vin hocha la tête et Kelsier disparut dans la nuit. Il a raison, se dit-elle. Je suis plus petite. Je pèse moins, et j’ai une plus petite allonge que n’importe qui d’autre si je dois me battre. Si j’attaque quelqu’un de front, je vais perdre.

Elle avait de toute façon toujours préféré l’alternative – lutter discrètement, rester invisible. Elle devait apprendre à utiliser l’allomancie de la même manière. Kelsier répétait constamment qu’elle développait ses talents d’allomancienne à une vitesse stupéfiante, mais Vin sentait qu’il s’agissait d’autre chose. Les brumes… les sorties nocturnes et furtives… tout ça lui paraissait naturel. Elle ne doutait pas de maîtriser l’allomancie à temps pour aider Kelsier contre les autres Fils-des-brumes.

C’était son autre rôle dans l’affaire qui la tracassait.

Avec un soupir, Vin franchit le mur d’un bond pour aller chercher sa bourse. Au manoir – pas celui de Renoux, mais la demeure d’un autre noble –, les lumières étaient allumées et les gens s’affairaient. Aucun d’entre eux ne s’aventurerait au cœur de la nuit. Les skaa craignaient les spectres des brumes ; les nobles devineraient que le grabuge avait été causé par des Fils-des-brumes. Aucune personne saine d’esprit ne voudrait affronter les uns ou les autres.

Vin finit par retrouver sa bourse grâce à la ligne d’acier qui la conduisit aux branches les plus élevées d’un arbre. Elle exerça une légère Traction dessus, l’attirant vers sa main, puis regagna la rue. Kelsier devait avoir laissé la bourse derrière lui : la dizaine de liards qu’elle contenait ne méritait pas qu’il perde son temps. Mais Vin, depuis toujours, avait connu la faim et économisé tout ce qu’elle pouvait. Elle ne pouvait tout simplement pas s’obliger à gaspiller. Même le fait de jeter des pièces pour y prendre appui la mettait mal à l’aise.

Elle se servit donc de ses pièces avec parcimonie pour regagner le manoir de Renoux, choisissant plutôt d’exercer Tractions et Poussées sur des bâtiments et des bouts de métal abandonnés. L’alternance de course et de sauts qui formait l’allure caractéristique des Fils-des-brumes lui devenait maintenant naturelle, et elle n’avait pas besoin de beaucoup réfléchir à ses mouvements.

Comment s’en sortirait-elle lorsqu’elle devrait se faire passer pour une noble ? Elle ne pouvait pas cacher son appréhension, pas à elle-même. Si Camon était doué pour imiter les nobles, c’était grâce à sa confiance, une qualité que Vin savait ne pas posséder. Son succès avec l’allomancie ne faisait que lui confirmer que sa place était dans les ombres et les recoins, pas de parader en jolie robe aux bals de la cour.

Mais Kelsier refusait qu’elle se désiste. Vin atterrit accroupie devant le Manoir Renoux, haletant légèrement sous l’effet de l’effort. Elle regarda les lumières avec une légère appréhension.

Tu dois apprendre à faire ça, Vin, lui répétait constamment Kelsier. Tu es une allomancienne douée, mais il va te falloir plus que des Poussées d’acier pour affronter la noblesse. Tant que tu ne sauras pas te déplacer dans leur société avec la même aisance qu’au cœur des brumes, tu seras désavantagée.

Soupirant tout bas, Vin se releva, ôta sa cape de brume et la rangea provisoirement. Puis elle gravit les marches et entra dans le bâtiment. Quand elle demanda où trouver Sazed, les serviteurs du manoir la dirigèrent vers les cuisines, et elle pénétra donc dans la partie cachée et isolée qui formait le quartier des serviteurs.

Même ces sections-là étaient d’une propreté immaculée. Vin commençait à comprendre pourquoi Renoux faisait un imposteur si convaincant il ne laissait pas de place à l’imperfection. S’il tenait son rôle aussi méticuleusement qu’il maintenait l’ordre dans son manoir, Vin doutait que sa ruse soit jamais percée à jour.

Cela dit, songea-t-elle, il doit bien avoir un défaut. Lors de la réunion, il y a deux mois, Kelsier a dit que Renoux ne résisterait pas à l’examen d’un Inquisiteur. Peut-être qu’ils percevraient dans ses émotions quelque chose qui le trahirait ?

Ce n’était qu’un détail, mais Vin ne l’avait pas oublié. Malgré les propos de Kelsier sur l’honnêteté et la confiance, il possédait ses secrets. Comme tout le monde.

Elle trouva effectivement Sazed aux cuisines, en compagnie d’une domestique d’âge moyen. Elle était grande pour une femme skaa – même si la proximité de Sazed la faisait paraître minuscule. Vin l’identifia comme un membre du personnel du manoir ; elle s’appelait Cosahn. Vin s’était efforcée de mémoriser tous les noms du personnel, ne serait-ce que pour les tenir à l’œil.

Sazed se retourna lorsqu’elle entra.

— Ah, Maîtresse Vin. Vous tombez à point nommé. (Il désigna sa compagne.) Je vous présente Cosahn.

Celle-ci étudia Vin d’un œil appliqué. Vin était impatiente de regagner les brumes, où les gens ne pouvaient pas la toiser ainsi.

— Je crois qu’ils sont assez longs maintenant, déclara Sazed.

— Sans doute, répondit Cosahn. Mais je ne peux accomplir de miracles, Maître Vaht.

Sazed hocha la tête. « Vaht » était apparemment le titre adéquat pour s’adresser à un intendant terrisien. Ni skaa ni tout à fait nobles, les Terrisiens occupaient une place très étrange dans la société impériale.

Vin les étudia d’un air méfiant.

— Vos cheveux, Maîtresse, dit Sazed d’une voix calme. Cosahn va vous les couper.

— Ah, dit Vin en levant la main.

Ils devenaient un peu trop longs à son goût – mais elle doutait que Sazed l’autorise à les tailler à la garçonne.

Cosahn désigna une chaise où Vin s’installa à contrecœur. Elle n’aimait vraiment pas rester docilement assise pendant qu’on maniait des ciseaux si près de sa tête, mais elle ne pouvait pas y échapper.

Après quelques instants passés à faire courir ses mains dans les cheveux de Vin avec de petits bruits désapprobateurs, Cosahn se mit à les couper.

— De si beaux cheveux, dit-elle, presque pour elle-même, si épais, et d’un si joli noir soutenu. Quel dommage de les voir si mal entretenus, Maître Vaht. Bien des femmes de la cour tueraient pour avoir des cheveux comme ceux-ci ils ont juste assez de volume pour bien se placer, mais ils sont assez raides pour qu’on puisse facilement les travailler.

Sazed sourit.

— Nous allons nous assurer qu’ils reçoivent de meilleurs soins à l’avenir, dit-il.

Cosahn continua à s’affairer tout en hochant la tête pour elle-même. Enfin, Sazed vint s’asseoir à deux mètres devant Vin.

— Kelsier n’est pas encore rentré, je suppose ? demanda Vin.

Sazed fit signe que non, et Vin soupira. Kelsier ne l’estimait pas encore assez formée pour l’accompagner lors de ses sorties nocturnes, dont beaucoup avaient lieu juste après les séances d’entraînement avec Vin. Ces deux derniers mois, Kelsier avait fait des incursions sur les propriétés d’une dizaine de maisons nobles différentes, à Luthadel aussi bien qu’à Fellise. Il variait ses déguisements et ses motifs apparents, s’efforçant de semer la confusion parmi les Grandes Maisons.

— Quoi ? demanda Vin, toisant Sazed qui la scrutait d’un air curieux.

Le Terrisien hocha légèrement la tête en signe de respect.

— Je me demandais si vous accepteriez d’écouter une autre proposition.

Vin soupira et leva les yeux au ciel.

— D’accord.

Ce n’est pas comme si je pouvais faire autre chose que rester assise ici.

— Je crois que j’ai trouvé la religion qui vous conviendra parfaitement, déclara Sazed, dont le visage généralement impassible trahissait un léger éclat d’enthousiasme. On la nomme « trélagisme », d’après le dieu Trell. Il était vénéré par un peuple qu’on appelait les Nelazéens et qui vivait loin au nord. Dans leur pays, le cycle des jours et des nuits était très étrange. Certains mois de l’année, il faisait noir pendant la majeure partie de la journée. Mais pendant l’été, il ne faisait noir que quelques heures à la fois.

» Les Nelazéens croyaient qu’il y avait une beauté dans l’obscurité, et que la lumière du jour était davantage impie. Ils voyaient les étoiles comme les Mille Yeux attentifs de Trell. Le soleil était l’unique œil jaloux du frère de Trell, Naît. Comme Naît n’en possédait qu’un, il le faisait briller d’une lueur ardente pour éclipser son frère. Mais les Nelazéens n’étaient guère impressionnés et préféraient vénérer ce Trell plus discret qui les surveillait même quand Naît masquait le ciel.

Sazed se tut. Ne sachant trop que répondre, Vin ne dit rien.

— C’est une excellente religion, Maîtresse Vin, poursuivit Sazed. Pacifique, mais aussi très puissante. Les Nelazéens n’étaient pas un peuple très avancé, mais ils possédaient une véritable détermination. Ils dressaient des cartes du ciel tout entier, où ils recensaient et plaçaient les principales étoiles. Leurs mœurs vous conviendraient – surtout leur préférence pour la nuit. Je peux vous en dire plus si vous le souhaitez.

Vin secoua la tête.

— Ça ira, Sazed.

— J’en déduis qu’elle ne vous convient pas ? demanda Sazed, fronçant légèrement les sourcils. Ah, tant pis. Je vais devoir y réfléchir encore un peu. Je vous remercie, Maîtresse – je vous trouve très patiente avec moi.

— Y réfléchir encore un peu ? demanda Vin. C’est la cinquième religion à laquelle vous essayez de me convertir, Sazed. Combien est-ce qu’il peut en exister d’autres ?

— Cinq cent soixante-deux, répondit Sazed. Ou du moins, c’est le nombre de systèmes de croyance que je connais. Il y en a probablement, et malheureusement, d’autres qui ont disparu de ce monde sans laisser de traces que mon peuple puisse recueillir.

Il marqua une pause.

— Et vous avez mémorisé toutes ces religions ?

— Dans la mesure du possible, répondit Sazed. Leurs prières, leurs croyances, leurs mythologies. Beaucoup sont très similaires – des groupes ou sectes issus les uns des autres.

— Mais quand même, comment arrivez-vous à vous rappeler tout ça ?

— J’ai des… méthodes, répondit Sazed.

— Mais à quoi ça sert ?

Sazed fronça les sourcils.

— La réponse devrait être évidente, je crois. Les hommes ont de la valeur, Maîtresse Vin, et par conséquent, leurs croyances aussi. Depuis l’Ascension, il y a mille ans, énormément de croyances ont disparu. Le Ministère d’Acier interdit qu’on vénère tout autre que le Seigneur Maître, et les Inquisiteurs ont détruit des centaines de religions avec le plus grand zèle. S’il n’y a pas quelqu’un pour se les rappeler, elles vont tout simplement disparaître.

— Vous voulez dire, répondit Vin, incrédule, que vous essayez de me faire croire à des religions qui sont mortes depuis mille ans ?

Sazed hocha la tête.

Est-ce que tous les gens qui travaillent avec Kelsier sont fous ?

— L’Empire Ultime ne peut pas durer éternellement, déclara calmement Sazed. J’ignore si Maître Kelsier est celui qui y mettra enfin un terme, mais ce terme viendra. Et lorsque ça se produira – lorsque le Ministère d’Acier perdra son emprise –, les gens souhaiteront revenir aux croyances de leurs pères. Ce jour-là, ils se tourneront vers les Gardiens, et ce jour-là, nous rendrons à l’humanité ses vérités oubliées.

— Les Gardiens ? demanda Vin tandis que Cosahn se déplaçait pour commencer à couper sa frange. Il y en a d’autres comme vous ?

— Pas beaucoup, répondit Sazed. Mais quelques-uns. Assez pour transmettre les vérités à la prochaine génération.

Vin restait tranquillement assise, songeuse, résistant à la tentation de se tortiller pour échapper aux soins de Cosahn. Cette femme prenait vraiment son temps – quand Reen coupait les cheveux de Vin, il se contentait de quelques coups de ciseaux rapides.

— Et si nous passions vos leçons en revue pendant ce temps, Maîtresse Vin ? demanda Sazed.

Vin regarda le Terrisien, qui affichait un très léger sourire. Il savait qu’il la tenait captive ; elle ne pouvait ni se cacher, ni même s’asseoir à la fenêtre pour scruter les brumes au-dehors. Elle ne pouvait que rester assise à l’écouter.

— D’accord.

— Pouvez-vous me nommer les dix Grandes Maisons de Luthadel par ordre de puissance ?

— Venture, Hasting, Elariel, Tekiel, Lekal, Erikeller, Erikell, Haught, Urbain et Buvidas.

— Parfait, répondit Sazed. Et vous êtes ?

— Je suis lady Valette Renoux, quatrième cousine de lord Teven Renoux, qui possède ce manoir. Mes parents – lord Hadren et lady Fellette Renoux – vivent à Chakath, une ville du Dominât Occidental. Principale exportation, la laine. Ma famille travaille dans le commerce des teintures, plus particulièrement le rouge sangrain, tiré d’une espèce d’escargots très commune là-bas, et le jaune callechamp, tiré de l’écorce d’un arbre. Dans le cadre d’un accord commercial avec leur cousin éloigné, mes parents m’ont envoyée ici, à Luthadel, afin que je puisse passer du temps à la cour.

Sazed hocha la tête.

— Et que pensez-vous de cette occasion ?

— Je suis stupéfaite et un peu éblouie, répondit Vin. Les gens vont me prêter attention parce qu’ils voudront gagner les faveurs de lord Renoux. Comme je ne suis pas habituée aux usages de la cour, je serai flattée de leur attention. Je vais m’insinuer dans les bonnes grâces de la communauté de la cour, mais rester discrète et ne pas m’attirer d’ennuis.

— Vos dons de mémorisation sont remarquables, Maîtresse, dit Sazed. L’humble serviteur que je suis se demande quels exploits vous accompliriez si vous consacriez autant d’efforts à apprendre qu’à éviter vos leçons.

Vin le regarda.

— Est-ce que tous les « humbles serviteurs » terrisiens se montrent aussi insolents que vous avec leurs maîtres ?

— Seulement les plus doués.

Vin le regarda un moment, puis soupira.

— Je suis désolée, Saze. Ce n’est pas que je cherche à éviter vos leçons. C’est seulement que… les brumes… parfois, je me laisse distraire.

— Eh bien, franchement et heureusement, vous apprenez très vite. Mais les gens de la cour ont passé leur vie entière à étudier l’étiquette. Même en tant que noble de la campagne, il y a des choses que vous devez savoir.

— Je sais, répondit Vin. Je ne veux pas me faire remarquer.

— Oh, ça, vous ne pourrez pas l’éviter, Maîtresse. Une nouvelle venue, arrivant d’une région éloignée de l’empire ? Oui, on va vous remarquer. Simplement, nous ne voulons pas éveiller leurs soupçons. Il faut qu’ils s’intéressent à vous, puis qu’ils vous ignorent. Si vous vous comportez un peu trop comme une idiote, ce sera suspect en soi.

Génial

Sazed marqua une pause, inclinant légèrement la tête. Quelques secondes plus tard, Vin entendit des pas dans le couloir. Kelsier entra dans la pièce d’un pas nonchalant, affichant un sourire suffisant. Il ôta sa cape de brume puis s’arrêta en voyant Vin.

— Quoi ? demanda-t-elle en se faisant encore plus petite sur son siège.

— Jolie coupe de cheveux, dit Kelsier. Beau travail, Cosahn.

— Ce n’était rien, Maître Kelsier. (Vin devinait qu’elle rougissait au son de sa voix.) Je travaille simplement avec ce qu’on me donne.

— Un miroir, demanda Vin en tendant la main.

Cosahn lui en donna un. Vin l’éleva et ce qu’elle vit l’étonna. Elle ressemblait… à une fille.

Cosahn avait fait un travail remarquable en égalisant ses cheveux, et elle était parvenue à supprimer les épis. Vin avait toujours remarqué que ses cheveux avaient tendance à rebiquer lorsqu’ils devenaient trop longs. Cosahn s’en était également occupée. Les cheveux de Vin n’étaient pas encore très longs – ils lui couvraient à peine les oreilles – mais au moins, ils restaient droits.

Il ne faut pas qu’ils pensent à toi comme à une fille, l’avertit la voix de Reen. Mais pour une fois, elle se surprenait à vouloir l’ignorer.

— Nous allons peut-être réussir à te transformer en dame, Vin ! dit Kelsier en riant, ce qui lui valut un regard mauvais de la jeune fille.

— D’abord, nous allons devoir lui apprendre à moins grimacer, Maître Kelsier, fit remarquer Sazed.

— Ce sera difficile, répondit Kelsier. Elle adore ça. Enfin bref, bien joué, Cosahn.

— Je n’ai pas encore tout à fait fini, Maître Kelsier, protesta celle-ci.

— Continuez, je vous en prie, répondit Kelsier. Mais je vous emprunte Sazed un moment.

Kelsier adressa un clin d’œil à Vin, un sourire à Cosahn, puis se retira en compagnie de Sazed – laissant Vin, une fois de plus, là où elle ne pouvait pas les espionner.

 

Kelsier jeta un coup d’œil dans la cuisine pour regarder Vin assise d’un air maussade sur son siège. Cette coupe de cheveux était vraiment réussie. Toutefois, il avait formulé ces compliments dans un autre but – il soupçonnait que Vin avait bien trop entendu répéter, toute sa vie, qu’elle ne valait rien. Si elle possédait un peu plus de confiance, peut-être ne chercherait-elle pas tant à se cacher.

Il laissa la porte se refermer et se retourna vers Sazed. Le Terrisien, comme toujours, patientait d’un air tranquille.

— Comment se déroule son apprentissage ? demanda Kelsier.

— Très bien, Maître Kelsier, répondit Sazed. Elle connaît déjà certaines choses grâce à l’entraînement de son frère. Mais par-dessus tout, c’est une jeune fille extrêmement intelligente – perspicace et dotée d’une excellente mémoire. Je n’attendais pas de tels dons de quelqu’un qui a grandi dans de telles conditions.

— Beaucoup d’enfants des rues sont intelligents, répondit Kelsier. Ceux qui ne sont pas morts.

Sazed hocha gravement la tête.

— Elle est extrêmement réservée, et je sens bien qu’elle ne perçoit pas pleinement le sens de mes leçons. Elle est très obéissante, mais toujours prompte à exploiter les erreurs ou les malentendus. Si je ne lui dis pas précisément où et quand me retrouver, je dois souvent fouiller le manoir tout entier à sa recherche.

Kelsier hocha la tête.

— Je crois que c’est sa façon à elle de maintenir une emprise sur sa propre vie. Enfin bref, je voulais surtout savoir si elle était prête ou non.

— Je ne sais pas trop, Maître Kelsier, répondit Sazed. La connaissance pure n’est pas synonyme de talent. Je ne sais pas trop si elle possède le… sang-froid nécessaire pour imiter une noble, même jeune et inexpérimentée. Nous avons simulé des dîners, répété l’étiquette des conversations et mémorisé des ragots. Elle paraît très douée pour tout ça, dans une situation contrôlée. Elle s’en est même très bien sortie lorsque Renoux a pris le thé avec des invités nobles. Mais nous ne connaîtrons réellement ses capacités qu’en la laissant seule au milieu d’une fête remplie d’aristocrates.

— Je regrette qu’elle ne s’entraîne pas davantage, répondit Kelsier en secouant la tête. Mais chaque semaine consacrée aux préparatifs accroît les risques que le Ministère découvre notre armée naissante dans les grottes.

— Dans ce cas, tout est question d’équilibre, répondit Sazed. Nous devons attendre assez longtemps pour rassembler les hommes dont nous avons besoin, mais agir assez vite pour éviter qu’on ne nous découvre.

Kelsier hocha la tête.

— Nous ne pouvons pas tout mettre en pause pour un seul membre de la bande – il nous faudra trouver une autre taupe si Vin ne fait pas l’affaire. Pauvre gamine – si seulement j’avais eu le temps de mieux la former à l’allomancie. Nous avons à peine passé en revue les quatre premiers métaux. Je n’ai pas assez de temps !

— Si je puis me permettre une suggestion…

— Bien sûr, Saze.

— Confiez la fillette à plusieurs des Brumants de la bande. J’ai entendu dire que ce Brise était un Apaiseur chevronné, et j’imagine que les autres sont tout aussi doués. Qu’ils montrent donc à Maîtresse Vin comment employer ses talents.

Kelsier réfléchit, l’air songeur.

— C’est une bonne idée, Saze.

— Mais ?

Kelsier jeta un coup d’œil vers la porte, derrière laquelle Vin était toujours en train de se laisser couper les cheveux de mauvaise grâce.

— Je ne sais pas trop. Aujourd’hui, pendant qu’on s’entraînait, on s’est lancés dans un duel de Poussées. La gamine doit faire la moitié de mon poids, mais elle m’a quand même joliment tenu tête.

— Des individus différents possèdent des talents différents en matière d’allomancie, fit remarquer Sazed.

— Oui, mais l’écart n’est généralement pas si grand, répondit Kelsier. Et puis il m’a fallu des mois et des mois pour apprendre à manipuler mes Tractions et mes Poussées. Ce n’est pas aussi facile qu’il y paraît – même quelque chose d’aussi simple que se propulser sur un toit nécessite une compréhension du poids, de l’équilibre et de la trajectoire.

» Mais Vin… paraît comprendre toutes ces choses-là d’instinct. C’est vrai qu’elle ne peut utiliser que les quatre premiers métaux de manière satisfaisante, mais elle fait des progrès stupéfiants.

— C’est une jeune fille tout à fait unique.

Kelsier hocha la tête.

— Elle mérite plus de temps pour apprendre à utiliser ses pouvoirs. Je me sens un peu coupable de l’avoir embarquée dans nos projets. Elle va sans doute finir exécutée publiquement par le Ministère avec nous tous.

— Mais cette culpabilité ne vous empêchera pas de vous servir d’elle pour espionner l’aristocratie.

Kelsier secoua la tête.

— Non, dit-il doucement. En effet. Nous allons avoir besoin de tous les avantages que nous pourrons rassembler. Simplement… Surveillez-la bien, Saze. À partir de maintenant, vous jouerez le rôle d’intendant et de gardien de Vin lors de toutes les réceptions auxquelles elle participera – ça ne paraîtra pas incongru de sa part qu’elle soit accompagnée d’un serviteur terrisien.

— Pas du tout, acquiesça Sazed. En fait, il serait même étrange d’envoyer une jeune fille de son âge sans escorte aux réceptions de la cour.

Kelsier hocha la tête.

— Protégez-la, Saze. C’est peut-être une puissante allomancienne, mais elle manque d’expérience. Je me sentirai beaucoup moins coupable de l’envoyer dans ces antres de l’aristocratie si je sais que vous l’accompagnez.

— Je la protégerai de ma propre vie, Maître Kelsier. Je vous le promets.

Kelsier sourit, posant une main reconnaissante sur l’épaule de Sazed.

— Je plains l’homme qui se mettra en travers de votre chemin.

Sazed pencha humblement la tête. Il paraissait inoffensif, mais Kelsier savait quelle puissance il cachait. Peu d’hommes, allomanciens ou non, se sortiraient d’un combat avec un Gardien dont on aurait réveillé la fureur. C’était sans doute pour cette raison que le Ministère avait pourchassé cette secte jusqu’à l’éliminer presque totalement.

— Bon, dit Kelsier. Retournez à vos leçons. Lord Venture donne un bal en fin de semaine et Vin y assistera, prête ou non.

L'empire ultime
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